YELLOWJACKETS est la nouvelle série reine du gore – Critique

Publié le 29 avril 2022 à 12:19

Véritable sensation outre-Atlantique, YELLOWJACKETS s’est rapidement imposée comme étant la sensation de ce début d’année 2022 en abordant plusieurs genres à la fois dans une première saison aussi gore que brillante.

Créée par Ashley Lyle et Bart NickersonYELLOWJACKETS suit une équipe féminine de football qui devient la première dans l’histoire de l’État à réussir se qualifier pour les championnats américains. Sauf que les jeunes filles n’auront jamais la chance de participer à la compétition : leur avion va se crasher dans une forêt canadienne où elles resteront coincées plusieurs mois. 

Dès le premier épisode, le spectateur ne peut pas s’empêcher de penser à Lost : Les Disparus puisque les deux séries partagent la même origine. Inspirée par Sa Majesté des Mouches (William Golding), YELLOWJACKETS reprend le motif du crash d’avion qui plonge des individus dans un environnement sauvage et vierge de toute civilisation. Or, pour Ashley Lyle, co-créatrice, remplacer la troupe de garçons d’origine par des jeunes filles permet de pousser le commentaire sociétal encore plus loin : “Le livre parle de la façon dont la socialisation peut s’effondrer et la manière dont laquelle la société n’est qu’une façade. Et qui est plus socialisé que les femmes ? En tant que filles, vous apprenez très tôt comment vous faire aimer des gens et comment fonctionne la hiérarchie sociale. C’est donc encore plus intéressant de voir les choses s’effondrer.” Néanmoins, le roman ne constitue pas la seule source d’inspiration de YELLOWJACKETS puisque la série s’appuie également sur une histoire vraie datant de 1972 : celle du crash d’une équipe masculine de rugby dans la Cordillère des Andes où les joueurs ont dû survivre pendant 72 jours.

Avec cette relecture féminine de Sa Majesté des Mouches, impossible de ne pas penser à The Wilds. Créée par Sarah Streicher, cette série raconte l’histoire d’un groupe de neuf jeunes femmes qui se retrouvent coincées sur une île déserte après le crash de leur avion au milieu de l’océan Pacifique. Pourtant les ressemblances s’arrêtent là. Alors que The Wilds s’interrogeait, parfois littéralement, sur la nature humaine et le fonctionnement de nos sociétés, YELLOWJACKETS choisit un chemin radicalement différent : celui du sang, du gore et du folklore. La journaliste Doreen St. Felix trouve d’ailleurs les mots justes pour décrire la série lorsqu’elle la désigne par les termes “horreur et hormones, chagrin et gore” dans les pages du New Yorker

De plus, dans The Wilds, les adolescentes restaient des adolescentes tandis que YELLOWJACKETS fait le choix de construire sa narration autour de deux timelines parallèles. Un choix unique qui permet à la série d’explorer le crash de 1996 mais aussi le quotidien de quatre survivantes qui vivent dans la peur que quelqu’un ne révèle la vérité sur leur séjour canadien. Grâce à cette décision scénaristique, les questions peuvent se multiplier pour le spectateur : jusqu’où iront-elles pour protéger leur secret ? que s’est-il réellement passé ? qui connaît la vérité ? est-ce que toutes les autres sont mortes ? Ainsi, la scène d’ouverture, lors de laquelle une jeune fille se fait (vraisemblablement) dévorée dans un paysage enneigée, est rapidement oubliée. Or, comme a pu l’écrire St. Felix, si “un possible cannibalisme est la chose la moins intéressante” du scénario, c’est que la série a quelque chose d’unique.

Dès sa scène d’ouverture, YELLOWJACKETS n’hésite donc pas à exposer la vulnérabilité du corps humain et à faire la part belle au gore. Pour Anne-Laure Pineau (Télérama), la série s’inscrit dans une nouvelle tendance : celle d’un gore revigoré par des méchants moins clichés. Selon elle, la série “pose les bases d’une année 2022 où les fictions horrifiques recyclent de vieilles recettes non sans y ajouter une modernité salvatrice.”. Difficile alors de ne pas penser à d’autres récentes réalisations comme Umma (Iris Shim), X (Ti West) ou encore Master (Mariama Diallo). Cette dernière partage d’ailleurs une autre caractéristique avec YELLOWJACKETS. En effet, la série se distingue également par l’atmosphère de surnaturel dans laquelle elle baigne. Avec sa cabane abandonnée, son mystérieux symbole et ses références à la religion, YELLOWJACKETS présente tous les éléments caractéristiques de l’horreur folklorique, un sous-genre qui s’appuie sur la ruralité et les thématiques de l’isolement, de la religion et du pouvoir de la nature.

Avec son casting plutôt jeune et son horreur folklorique, la série partage finalement la même atmosphère que d’autres films d’adolescents comme Heathers, The Craft ou Jennifer’s Body. Car YELLOWJACKETS est également un série coming-of-age (passage à l’âge adulte). Ashley Lyle et Bart Nickerson n’hésitent donc pas à embrasser cet aspect adolescent, quitte à tomber parfois dans des personnages un peu clichés et stéréotypés. Ainsi, Shauna (Sophie Nélisse) couche avec le petit ami de sa meilleure amie Jackie (Ella Purnell). La capitaine populaire de l’équipe de foot face à l’intellectuelle discrète : un schéma récurrent dans beaucoup de productions adolescentes. Néanmoins, la série évite la catastrophe grâce à son casting. Grâce aux deux timelines de l’histoire, les actrices réussissent à aborder le trauma d’une façon qui est encore peu représentée à l’écran : celle de la survie. En voyant les jeunes filles à l’âge adulte, impossible de ne pas se demander comment on peut survivre mais surtout comment continuer à vivre après avoir vécu cela.

Quand beaucoup de séries restent dans le présent pour ne traiter que des répercussions immédiates d’un traumatisme, YELLOWJACKETS aborde ainsi les conséquences à long-terme sur la construction des personnages. Sous la forme d’un commentaire meta, la série questionne notamment la soudaine célébrité des jeunes filles. Ainsi, trois des interprètes adultes sont elles aussi des idoles des années 1990 qui sont devenues célèbres quand elles étaient enfants et qui savent donc l’égarement que la notoriété peut apporter. Melanie Lynskey (Shauna, adulte) a été révélée en tant qu’adolescente meurtrière dans Créatures Célestes de Peter Jackson (1994). Juliette Lewis (Natalie, adulte) était la jeune fille traquée par le psychopathe des Nerfs à vif de Martin Scorsese (1991). Christina Ricci (Misty, adulte), quand à elle, a notamment interprété l’incroyable Mercredi dans La Famille Adams en 1991. 

Grâce à son brillant casting et son schéma narratif original, la série est la belle surprise de cette rentrée 2022. Bien que les épisodes ne soient pas toujours facile à regarder, ils n’en sont pas moins exceptionnels. Néanmoins, YELLOWJACKETS ayant été annoncée pour cinq saisons, il ne reste plus qu’à espérer que tous les thèmes (coming-of-age, horreur folklorique, gore, suvival) soient correctement écrits au risque de rapidement tomber dans une création sans saveur dont les arcs narratifs finissent par partir dans tous les sens comme Riverdale peut en témoigner. Cela permettrait également à YELLOWJACKETS de définir sa propre identité et de créer ses propres repères pour ne plus exister uniquement comme une référence à d’autres créations (The Wilds, Lost, Heathers, The Craft…). Mais au vu de la qualité des premiers épisodes, nul doute que les créateurs relèveront ce défi.


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